Maladies auto-immunes : quand le système immunitaire se retourne contre le corps
Le système immunitaire est conçu pour défendre l'organisme contre les agents extérieurs tels que les virus et les bactéries. Pour accomplir cette tâche, il doit distinguer entre les éléments étrangers à l’organisme et ses propres constituants, un phénomène appelé tolérance au soi. Cependant, dans le cas des maladies auto-immunes, cette tolérance est rompue. Le système immunitaire attaque alors des cellules ou des tissus sains de l’organisme comme s'il s'agissait de menaces extérieures.
Qu’est-ce que la tolérance immunitaire ?
La tolérance immunitaire est un mécanisme fondamental qui permet au système immunitaire de ne pas réagir contre les cellules du corps. Elle est établie dès les premiers stades du développement du système immunitaire, principalement dans les organes lymphoïdes centraux (le thymus et la moelle osseuse). C’est ici que les lymphocytes T et B sont "entraînés" à reconnaître les protéines du soi. Ceux qui réagissent de manière excessive aux cellules du corps sont soit éliminés, soit désactivés, pour éviter qu’ils n’attaquent les tissus sains.
On estime que 5 à 10% de la population mondiale est touchée par une maladie auto-immune, dont une grande majorité (80%) surviennent chez les femmes. Le nombre de maladies étiquetées auto-immunes n’a cessé de croître ces dernières décennies. Cette prédominance féminine serait liée aux deux chromosomes X des femmes sur lesquels sont impliqués différents gènes impliqués dans l’immunité.
La rupture de la tolérance au soi
Dans les maladies auto-immunes, ce processus de régulation échoue. Le système immunitaire, qui devrait normalement protéger l’organisme, se retourne contre lui et cible des organes spécifiques ou des systèmes entiers. Plusieurs facteurs contribuent à cette rupture de la tolérance immunitaire :
Facteurs génétiques : Certaines personnes héritent de prédispositions génétiques qui augmentent le risque de développer des maladies auto-immunes. Des gènes liés au système HLA (antigène leucocytaire humain), qui contrôle la présentation des antigènes aux lymphocytes, jouent un rôle clé dans la susceptibilité à ces maladies. Les maladies auto-immunes monogéniques sont des pathologies rares causées par une mutation dans un seul gène, perturbant ainsi la tolérance immunitaire. Un exemple clé est lié à la mutation du gène AIRE (AutoImmune REgulator). Ce gène joue un rôle essentiel dans l'élimination des lymphocytes auto-réactifs dans le thymus, où ils apprennent à distinguer les protéines du soi des éléments étrangers. Une mutation d'AIRE entraîne une déficience de ce processus, provoquant des attaques du système immunitaire contre les tissus sains.
Facteurs environnementaux : Des infections, des expositions à des substances toxiques ou certains médicaments peuvent perturber le fonctionnement normal du système immunitaire, déclenchant ainsi une réponse auto-immune.
Facteurs hormonaux : Les femmes sont plus souvent touchées par des maladies auto-immunes que les hommes, ce qui suggère que les hormones sexuelles, en particulier les œstrogènes, pourraient influencer la tolérance immunitaire.
Des maladies variées mais un mécanisme commun
Les maladies auto-immunes regroupent une large gamme de pathologies. Certaines touchent un organe spécifique, comme le diabète de type 1 qui cible les cellules productrices d’insuline dans le pancréas, ou la thyroïdite de Hashimoto qui attaque la glande thyroïde. D'autres, comme le lupus érythémateux systémique, affectent plusieurs organes en même temps.
Malgré la diversité des manifestations cliniques, ces maladies partagent un mécanisme commun : une réponse immunitaire inappropriée contre les constituants du soi. Cette réponse est souvent médiée par des auto-anticorps (anticorps dirigés contre les propres tissus du corps) ou par des lymphocytes auto-réactifs, qui provoquent des inflammations et des lésions des tissus.
Vers une meilleure prise en charge
Les traitements actuels des maladies auto-immunes visent à atténuer l’activité excessive du système immunitaire, principalement par l’usage d’immunosuppresseurs ou d’anti-inflammatoires. Cependant, ces thérapies ne guérissent pas la maladie et peuvent rendre le patient plus vulnérable aux infections.
Les chercheurs continuent à explorer les mécanismes sous-jacents de la rupture de la tolérance immunitaire pour développer des thérapies plus spécifiques et moins toxiques. Des pistes prometteuses incluent l’utilisation de thérapies biologiques ciblées, qui modulent précisément certaines parties du système immunitaire sans l'affaiblir globalement, ainsi que des approches visant à rétablir la tolérance immunitaire.